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RETOUR  -  Interview de Sacha Baraz   -
Visitez le site officiel du peintre : http://www.sachabaraz.com

puce planèteblack Voir quelques peintures de cet artiste.

Les mots ne suffisent pas à décrire l’œuvre de Sacha Baraz. Mieux encore, ils n’y ont pas leur place. Les formats sur lesquels cet amoureux de l’Afrique laisse courir son pinceau sont considérables, à l’image de son admiration pour ce continent. Comme une gifle reçue, la vision que procurent ses tableaux est criante de vérité et d’émotions. C’est un autodidacte, comme il se décrit lui-même et Sacha Baraz est loin d’être un artiste ordinaire. Son atelier transpire l’Afrique dans ses moindres recoins, une Afrique dont on n’a pas idée.

atelier de sacha baraz


Enjoué et accueillant ce fringant sexagénaire a eu une vie bien remplie. Il aime à parler de ses rencontres, de quelle manière elles ont changé sa vie, ponctuant toutes ses phrases d’aphorismes remplis de sagesse. Aujourd’hui, beaucoup de choses sont loin derrière lui. Son enfance difficile et une pléthore de petits boulots l’ont conduit, entre autres, à fréquenter les milieux très selects de la haute couture et de la haute joaillerie. Si ces expériences convergent vers l’esthétisme, la beauté et la recherche de la précision, c’est au cÅ“ur de l’Afrique que ces termes ont pris toute leur mesure. La beauté, il « essaie modestement Â» de la retranscrire sur ses toiles dont il garde jalousement tous les secrets : Â« Si l’on doit expliquer son tableau, c’est qu’il est inachevé Â».

Quoiqu’il en dise ces tableaux forcent le respect et l’admiration. Qu’il s’agisse d’un vieillard, d’un sorcier, d’un griot ou d’une femme, tous sont d’un réalisme saisissant, quasi-photographique. Ils suivent du regard quelque soit l’endroit où l’on se trouve. Ils font voyager à travers l’Afrique. L’Afrique telle qu’elle est : belle, sauvage mais aussi démunie. Ce n’est pas celle des cartes postales, qu’il a en horreur. C’est celle qu’il a connu, qui lui a tout appris de la vie.

J’ai profité de cette rencontre mémorable pour faire connaître à tous, le travail de ce grand personnage.

PB : Tu as eu une vie bien remplie, ponctuée de multiples emplois. Comment tout cela a commencé ?

Sacha Baraz : J’ai enchaîné beaucoup de petits boulots à l’époque : coiffeur-maquilleur pour Jean-Louis David et les plateaux de cinéma, j’ai dessiné des vêtements pour le prêt-à-porter et la haute couture, des bijoux pour la haute joaillerie, des canapés pour Hugues Chevalier, du cristal pour Daum, de la maroquinerie pour le président des industries de la maroquinerie française, de la sculpture sur marbre et granit, musicien et peintre sculpteur surtout !


PB : Comment passe-t-on de ces univers « branchés Â» à une vie aussi simple en Afrique ?

Sacha Baraz : Je suis allé faire une tournée en Afrique, à l’époque où j’étais musicien de jazz. Quand l’orchestre est rentré, j’ai eu un tel choc que j’ai eu comme l’impression que j’étais né en Afrique ! C’est une impression qu’on ne peut pas expliquer ! C’est métaphysique. C’est quelque chose qui vous arrive sans qu’on sache pourquoi ! Tout m’était familier, même les gens par rapport à moi ou moi par rapport aux gens. Tout était simple, évident. Je ne voulais pas être dans les hôtels et connaître l’Afrique comme les touristes. J’ai fait toute l’Afrique noire en stop pendant 18 ans, à vivre dans les villages, à manger à la main, à dormir par terre avec eux, à vivre le quotidien des gens.

Je me suis dit que si je voyageais avec un appareil photos, les gens allaient soit, poser devant l’appareil soit se cacher. Il y a certains endroits ou les gens n’aiment pas qu’on les prenne en photos parce qu’ils pensent que ce ne sont pas des singes dans un zoo. Il faut les respecter. Donc, avec un appareil photos c’était difficile mais les choses ont été plus simples avec un bloc de papier et des crayons. Au départ on a tous les gosses autour de soi et après, les gens ne font plus attention à vous. Vous faites partie du paysage.

PB : Mais quel était l’objectif de ce périple au départ ?

Sacha Baraz : Au départ, tout ce que je voulais, c’était apprendre. Je suis allé en Afrique pour apprendre la vie ! En France, on parque les gens quand ils sont vieux dans des hospices. En Afrique, on s’occupe d’eux jusqu’à la mort. On a du respect pour les anciens et on a envie d’apprendre d’eux. Je pense que quelqu'un qui ne sait pas d’où il vient ne sait pas où il va. Ma vie ne suffira pas à rendre à l’Afrique ce que l’Afrique m’a donné. J’ai comme une dette à vie envers elle.
C’est une lourde responsabilité pour moi de peindre l’Afrique. Je ne voulais pas peindre des gens qui jouent du tam-tam ou qui dansent sous des cocotiers. Si c’est pour faire des tableaux qui vont bien avec la couleur des rideaux ça ne m’intéresse pas ! Je voulais que ma peinture soit aussi esthétique parce qu’on ne peut pas passer à côté de l’esthétisme quand on va sur un continent aussi magnifique que l’Afrique. Il suffit de voir une femme en pleine brousse avec un boubou et une calebasse sur la tête pour qu’on ait l’impression que c’est un défilé de chez Saint-Laurent ! Tellement c’est élégant et beau. Et si on ne peint que ça, ça devient un Club Med, des images de cartes postales sur l’Afrique.

Ce qui m’intéressait c’était de peindre la vérité et l’authenticité et pour ça, il faut beaucoup d’humilité. Le sujet qu’on peint est tellement plus important que le peintre… Je n’ai voulu être qu’un modeste témoin en essayant de peindre les choses qui sont derrière les choses. Parce que le vrai langage de l’Afrique c’est tout de même le non-dit ; les gens peuvent palabrer des heures mais les choses les plus importantes sont celles qu’ils ne disent pas. J’ai tellement appris et ils m’ont tellement donné que j’ai une dette avec l’Afrique. Je voulais, en les peignant, leur montrer à quel point je les respecte et que je les aime.


PB : Comment s’est passé ton premier contact avec les Africains ?

Sacha Baraz : J’y suis allé comme un enfant qui vient de naître : j’ai laissé mon esprit cartésien au vestiaire. Je savais que j’allais dans un pays où je ne connaissais pas la langue, la nourriture, les coutumes. Le premier pays où j’ai vécu était le Sénégal. Tout de suite après, ça a été la République Centrafricaine puis le Congo qui s’appelait à l’époque Congo Brazza, après j’ai fait le Tchad, le nord Cameroun enfin toute l’Afrique. J’y ai passé 20 ans de ma vie et c’est comme si j’y avais passé 3 jours parce que l’Afrique c’est tellement extraordinaire. Il y a une chose qui est sûre, c’est que l’on sent que c’est le berceau de l’humanité. C’est quelque chose qu’on ressent en permanence, il y a des choses qui viennent de tellement loin. Les Africains disent tellement de choses sans avoir besoin de les prononcer.

Aujourd’hui je parle couramment le wolof et la langue s’est imposée à moi. Quand tu vis dans un pays, la moindre des choses c’est d’essayer de communiquer le plus possible avec les gens, d’apprendre leurs coutumes et si possible d’apprendre leur langue. C’est ça qui est intéressant, apprendre et toujours apprendre. C’était une communion de cœur et d’esprit et l’esprit en Afrique est tellement important.

PB : Tu peins généralement sur de grands formats. Quelles sont les étapes qui jalonnent ton travail ?

Sacha Baraz : À la base, je n’ai pas idée de la peinture, c’est une émotion qui vient. Moi, je ne travaille qu’avec l’émotion. J’ai pu avoir des idées dans le temps quand j’ai eu besoin de dessiner un vêtement, un meuble. Mais quand on peint l’Afrique, si on peint avec des idées, on passe à côté de l’essentiel. Il faut peindre seulement avec l’émotion. J’ai rencontré des gens qui ont été tellement extraordinaires et magnifiques que ce sont des choses qui ce sont imposées à moi et existent. Je ne suis que le bras armé d’une émotion, de ce que l’Afrique m’a appris. Je n’y suis pour rien, je ne suis qu’un passeur de témoin et je n’ai pas plus d’importance que ça.

« Ma vie ne suffira pas à rendre à l’Afrique ce que l’Afrique m’a donné. J’ai comme une dette à vie envers elle. Â»

PB : Tes toiles sont toutes différentes mais il y en a-t-il une qui a ta préférence ou plus marqué dans sa réalisation ?

Sacha Baraz : Ma préférée ? C’est comme si tu me demandes est ce que tu préfères ta main gauche ou ta main droite ? Est ce que tu aimes ton fils ou ta fille ? Ton père ou ta mère ? Ce sont tous mes enfants ! Si je pouvais, je ne vendrais rien de ce que je fais ! Pour moi c’est une déchirure chaque fois que je vends un tableau ! J’aime bien savoir où ils partent parce que ça me permet d’aller de temps en temps les revoir ; malheureusement je ne peux pas toujours le faire.

PB : Tu accordes beaucoup d’importance aux portraits, à l’émotion et au non-dit, notamment à travers les regards. Est-ce là ton sentiment que tu transmets ou c’est à chacun d’avoir son interprétation propre ?

Sacha Baraz : La première fois que j’ai exposé mes tableaux en Afrique, c’était en Côte d’Ivoire, à l’occasion des Africa Music Awards. Le ministre de la culture, à l’époque c’était Madame Diabaté, m’avait invité à exposer là-bas. Avant, j’exposais ces toiles dans une galerie sur les Champs Elysées qui regroupait l’art primitif, et le patron qui aimant mon travail y avait mis quelques uns de mes tableaux. Et quand elle était rentrée dans la galerie, elle avait demandé quel était l’Africain qui avait peint ces tableaux ! Donc elle a voulu me rencontrer et m’a invité à exposer là-bas. C’était la première fois que je montrais ma peinture sur l’Afrique à des Africains. J’étais très étonné parce que j’avais pris 20 tableaux et le soir même de l’exposition j’en avais vendu 17. Il y avait des ministres qui pleuraient devant les tableaux me demandant comment je faisais pour traduire « des émotions qui sont à nous Â» ? Et je ne pouvais l’expliquer. Les européens ont colonisé l’Afrique moi j’ai été colonisé par l’Afrique et je ne m’en suis toujours pas remis. Je suis très content de l’avoir été. Pour moi l’Afrique m’a changé et m’a fait évolué, m’a ouvert l’esprit, m’a ouvert le cÅ“ur encore plus. Et je l’ai été volontairement. L’Afrique m’a appris beaucoup de choses.

PB : Quelle est la plus grande leçon que tu as reçu de l’Afrique ?

Sacha Baraz : Il y en a tellement ! Ce sont des leçons d’amour, des leçons d’humilité, le sens du peu d’importance de l’humain par rapport à l’entité même du monde. On n’est qu’une petite poussière. En Afrique les gens ne se prennent pas au sérieux et c’est ce que j’aime. Ce sont des gens simples mais ils sont tellement riches : sans avoir l’air d’en rajouter, ils vous apprennent tellement choses. Moi j’étais souvent avec les vieux, à manger le foufou le soir avec eux à la main. J’ai appris tellement de choses avec eux en posant des questions et en étant dans mon coin.


PB : Sur un plan plus technique, comment parviens-tu à obtenir des couleurs aussi vives, qui ne ressemblent à aucune autre ?

Sacha Baraz : Je me fais envoyer des fleurs séchées et des terres d’Afrique. Si je veux du bleu je prends de l’indigo pur, si je veux du jaune je prends de l’édo qui est un calcaire qu’on trouve sur les bords du fleuve Niger. Il y a plein de choses naturelles qu’on trouve sur place et dans certaines contrées d’Afrique, on peint l’intérieur des maisons et même l’extérieur avec des pigments naturelles, des graines, des fleurs ou des terres qu’on broie. Moi je peins avec des huiles essentielles que je mélange avec ces pigments. Je vernis entre les couches afin de créer des glacis et des transparences.

PB : C’est très impressionnant quand on observe le résultat et que l’on sait que tu as tout appris tout seul…

Sacha Baraz : C’est le sujet qui s’impose à moi et donc comment fais-t-on quand on est amoureux d’une femme ? On se donne les moyens de ses ambitions ! Quand on aime un continent comme moi j’adore et je vénère l’Afrique, j’ai essayé de lui rendre hommage et de la rendre la plus belle possible. Et « Ã  force de chercher on trouve Â» ! Ce n’est pas de moi c’est de Picasso !

PB : Qu’as-tu ressenti lorsque le public s’est mis a apprécié ta peinture, à être exposé à travers le monde entier, à avoir une reconnaissance des professionnels du milieu ?

Sacha Baraz : Ca me donne envie d’honorer les gens qui me font confiance. Ce qui m’intéresse c’est de pouvoir montrer au plus grand nombre ce que c’est réellement que l’Afrique. Jusqu’à maintenant on a montré des images qui ne me plaisent pas trop. J’ai envie de montrer que l’Afrique c’est autre chose que ce qu’on veut bien en dire. Ce n’est pas parce qu’on va passer 15 jours sur une plage au Sénégal qu’on connaît l’Afrique. Il y a aussi des Français qui vont vivre là-bas avec leurs contrats d’expatriés mais qui importent leurs bouteilles d’eau, qui se réunissent entre européens, qui n’ont jamais goûté un plat africain. Il y a une façon de voyager. J’ai envie qu’on dise la vérité, je n’ai pas envie qu’on travestisse la vérité de l’Afrique, c’est surtout ça.


PB : Tes projets à venir ?

Sacha Baraz : Ce n’est pas pour tout de suite, mais dans un an il y a une comédie musicale qui se jouera à Paris et qui va s’appeler Human Love. C’est une comédie musicale sur l’esclavage et c’est un ami africain qui l’a créée et m’a demandé si je pouvais lui faire les décors et les costumes et bien naturellement j’ai accepté. Pour moi c’est un honneur.

 Quelques peintures de Sacha Baraz :  

puce planèteblack (Cliquer sur les vignettes pour agrandir les images)

PB : Merci beaucoup de nous avoir reçu !

Visitez le site officiel du peintre : http://www.sachabaraz.com



02/02/2007
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